| Résumé |
A propos de "l'Annonciation" de Francesco del Cossa, où un trop gros escargot rampe entre l'ange et Marie, Daniel Arasse se met en colère. "Votre iconographie a rempli sa tâche : elle a écrasé l'escargot", jette-t-il à ceux qui voient dans ce gastéropode un symbole de la Vierge, ensemencée par Dieu comme l'escargot l'était, croyait-on, par la rosée. "Décidément, enrage-t-il, les iconographes sont les pompiers de l'histoire de l'art : ils sont là pour calmer le jeu, pour éteindre le feu que risquerait d'allumer telle ou telle anomalie, parce qu'elle vous obligerait à y regarder de plus près et à constater que tout n'est pas aussi simple, aussi évident que vous le souhaitez." En six courts essais, il montre ce que c'est qu'entrer dans la complexité d'une oeuvre, visiter tous ses recoins, refuser les supposées évidences. Pourquoi cette rébellion aujourd'hui ? Parce que la prolifération des commentaires savants recouvre les oeuvres, au point de les rendre presque invisibles. On croit les connaître par coeur, on sait ce que telle autorité en a dit, on en a vu cent fois la reproduction. Donc, tout va bien et l'ordre règne dans l'histoire de l'art, l'ordre des musées et des lieux communs. "Ecran fait de textes, de citations et de références extérieures", rétorque Arasse, "filtre solaire qui (...) protégerait de l'éclat de l'oeuvre et préserverait les idées reçues." L'accoutumance et la répétition conduisent à la banalisation et à une sorte d'indifférence érudite. Plus de surprises, plus d'émois, encore le moindre scandale ... Son livre se présente sous forme de lettres à quelques amies et de conversations au ton plutôt vif. Il devrait écrire précautionneusement et poliment ? Il commente à coups de marteau, rappelant au passage des évidences indiscrètes. Exemple : "D'où ça vient, pinceau ? Ca vient du latin et ça veut dire petit pénis. Oui, monsieur, petit pénis, 'penicillus' en latin, c'est Cicéron qui le dit, pinceau, petite queue, petit pénis." Il y a plaisir à imaginer la tête de certains spécialistes devant de tels morceaux. Que fait-on quand on regarde une peinture ? A quoi pense-t-on ? Qu'imagine-t-on ? Comment dire, comment se dire à soi-même ce que l'on voit ou devine ? Et comment l'historien d'art peut-il interpréter sérieusement ce qu'il voit un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout ? En six courtes fictions narratives qui se présentent comme autant d'enquêtes sur des évidences du visible, de Velázquez à Titien, de Bruegel à Tintoret, Daniel Arasse propose des aventures du regard. Un seul point commun entre les tableaux envisagés : la peinture y révèle sa puissance en nous éblouissant, en démontrant que nous ne voyons rien de ce qu'elle nous montre. On n'y voit rien ! Mais ce rien, ce n'est pas rien. Écrit par un des historiens d'art les plus brillants d'aujourd'hui, ce livre adopte un ton vif, libre et drôle pour aborder le savoir sans fin que la peinture nous délivre à travers les siècles. |